Galerie Edouard Ambroselli, Paris ;

Acquis auprès de cette dernière par l'actuel propriétaire ;

Collection particulière, Paris

D’un modelé vigoureux assez singulier, cette tête de jeune homme s’inscrit pleinement dans l’œuvre sculpté de Constantin Meunier, maître de la représentation du travailleur moderne et des figures populaires. Ici pourtant, l’artiste délaisse la dimension narrative de ses compositions monumentales pour se concentrer sur la pure intensité d’un visage jeune, traduit avec une force expressive exceptionnelle. Le matériau même, un grès émaillé à couverte brun clair, aux éclats irréguliers et aux nuances terreuses, participe à l’impression de présence brute, émergeant de la matière comme une figure façonnée par les forces élémentaires. Le jeune homme impose immédiatement la tension de son regard, ses traits asymétriques, sa lèvre inférieure légèrement avancée, sa mâchoire puissante et son nez droit. Autant d’éléments physionomiques profondément ancrés dans une réalité vécue, celle des hommes que le sculpteur n’a de cesse de côtoyer dans les ateliers et les mines du pays flamand. La surface du grès, travaillée par endroits de stries et de bavures de cuisson, accentue le caractère charnel de la sculpture. L’émail brun clair, presque fauve, joue avec la lumière en alternant zones luisantes et aspérités mates, conférant à la tête un dynamisme particulier. L’artiste met ainsi à profit les propriétés du grès pour créer une sculpture où la matière semble respirer, vibrer sous l’épaisseur de l’émail. Porté par sa volonté constante de magnifier la dignité humaine, loin de tout artifice, Constantin Meunier cherche à traduire ici une certaine force intérieure, pleine de l’énergie propre à la jeunesse, face aux nombreux défis de son époque.