Signé ‘ODILON REDON’ en bas à droite
Meditation, nude girl, black pencil, stump and pastel, signed, by O. Redon
19.88 x 12 in.
Galerie Johannes Henricus de Bois, Haarlem, une étiquette au verso ;
Hammer Galleries, New York, vers 1962, une étiquette au verso ;
Mr & Mrs. Lloyd H. Smith, New York ;
Vente anonyme ; New York, Sotheby's, 11 mai 2000, n° 151 ;
Vente anonyme ; Londres, Christie's, 22 juin 2011, n° 121 ;
Vente anonyme ; Paris, Sotheby’s, 19 juin 2020, n° 157 ;
Galerie Livie Fine Art, Zurich ;
Acquis auprès de cette dernière par l'actuel propriétaire ;
Collection particulière, Paris
André Mellerio, Odilon Redon, peintre, dessinateur et graveur, Paris, 1923, p. 71, repr.
The Connoisseur, septembre 1962, repr.
Alec Wildenstein, Odilon Redon, catalogue raisonné de l'œuvre peint et dessiné, vol. I, Paris, 1992, p. 59, no 120, repr.
« A présent, ses attirances vont, avec une préférence presque exclusive, à la femme, à l'enfance et aux fleurs. A ce qui, dans la nature et l'humanité, brille d'éclat et de fraîcheur. d'aube douce et de joie légère. Toutes les clartés jetant sur la trame obscure du monde comme un réseau doré, grâce auquel la vie peut devenir non seulement supportable, mais encore douée d'attrait et de beauté1 . »
Spectaculaire par son format, puissante par sa facture et délicate par son sujet, notre feuille appartient à cette période lumineuse évoquée par André Mellerio où Odilon Redon, après des années d’exploration des « Noirs », s’engage résolument vers une poétique plus colorée et empreinte de douceur. Réalisée en 1906, cette Méditation s’inscrit dans le corpus des représentations d’enfants, canaux iconographiques privilégiés par l’artiste pour figurer l’innocence intérieure et l’émotion à l’état pur. La jeune fillette, saisie dans un demi-buste frêle, croise les mains devant elle dans un geste d’intime recueillement. Le visage, légèrement penché, révèle une sensible mélancolie où à la gravité enfantine se mêlent les rêveries silencieuses. Au sommet de son art, Redon excelle dans l’alliance subtile du crayon noir et du pastel, modulant les formes par un modelé délicatement estompé : les ombres glissent avec une douceur poudrée sur le front, les joues et les épaules, tandis que les contours s’effacent presque dans la lumière. Le corps, volontairement dépouillé de tout attribut, devient un espace de projection intérieure, un écran silencieux sur lequel se lit l’intensité d’une émotion secrète. Le fond, vibrant d’une constellation de pastels bleus, verts et jaunes, enveloppe la figure d’une atmosphère irisée. Traitée en petites touches scintillantes, la couleur semble respirer autour de la fillette, tel un halo vivant. Cette efflorescence chromatique, loin de n’être qu’un décor, fait écho au monde intérieur du modèle : elle traduit l’élan de la pensée, le bruissement de la sensibilité, cette vie secrète que Redon n’a cessé de chercher dans ses portraits. La composition, simple mais savamment orchestrée, met en tension la précision réaliste du visage, où chaque nuance est pesée, et l’abstraction vaporeuse du fond. Ce contraste, typique des œuvres de maturité de Redon, confère à l’ensemble une dimension spirituelle discrète mais profonde. Le spectateur n’est pas tant invité à contempler un portrait qu’à partager un moment suspendu, une méditation silencieuse où s’éveillent l’âme et la couleur.
Ainsi, Redon affirme une fois encore son génie singulier : donner forme visible à l’invisible, faire de la figure humaine un lieu de poésie, et unir la délicatesse de l’enfance au souffle symboliste qui irrigue toute sa création. Méditation se présente ici comme un jalon précieux de cette quête : une image intime, irradiée de lumière intérieure, où l’art du pastel devient un langage de l’esprit.
1- André Mellerio, Odilon Redon, peintre, dessinateur et graveur, Paris, 1923, p. 72.