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Jean-Baptiste Marie PIERRE
La Savoyarde
Estimate:
€40,000 - €60,000

Complete Description

La Savoyarde
Huile sur toile

Signée 'Pierre f.' en bas à gauche


The Savoyard, oil on canvas, signed, by J.-B. M. Pierre

51.69 x 38.43 in.

97.6 cm x 131.3 cm
Provenance:

Collection Charles-Nicolas Roland (1729-après 1794), receveur des tailles à Chartres et caissier de Claude-Henri Watelet ;

Sa vente ; Paris, Hôtel d’Aligre, 13 avril 1780, n° 13 avec son pendant (« un homme assis ; il tient la main d’une femme vêtue en paysanne : pour pendant une femme du commun donnant le sein à un enfant et entourée de quatre autres tableaux par Pierre »), adjugé 201 livres à François-Charles Joullain (1734-1799), marchand d’art et expert ;

Resté dans la même collection depuis le début du XXe siècle (avec son pendant) ;

Vente anonyme ; Paris, Hôtel Drouot, Millon, 8 décembre 2020, n° 42

Exhibitions:

Probablement Paris, Salon de 1745, n° 65 : « Autre [tableau] de 4 pieds sur 3, représentant une Marmotte avec plusieurs Enfans »

Bibliography:

Monique Halbout, J.B.M. Pierre, vie et œuvre, essai de catalogue des peintures et dessins, thèse de l’Ecole du Louvre, 1970, n° 25

Guillaume Faroult, « La Vielleuse par Marie-Anne Loir au musée de Riom : fortune d’une iconographie savoyarde, entre peinture et littérature au XVIIIe siècle », in Bulletin de la Société d’Histoire de l’Art Français, Paris, 2003-2004, p. 247 (la gravure) ;

Nicolas Lesur et Olivier Aaron, Jean-Baptiste Marie Pierre, 1714-1789, Premier peintre du roi, Paris, 2009, p. 235-236, P62

Comment:

Gravure :

Gravé par Nicolas IV de Larmessin (1684-1755) sous le titre La Savoyarde. Un exemplaire de l’estampe est exposé aux Salons de 1746 et 1747. La lettre indique : « Libre en mon galetas / J’y commande en princesse / Mes enfans forment mes états / Leur innocence est ma richesse ».


Les Savoyards étaient nombreux à Paris au XVIIIe siècle, occupant des petits métiers de rue, souvent ingrats, tels que montreurs de marmottes ou de chiens savants1. Sous l’Ancien Régime, le terme de « savoyard » est ainsi employé pour évoquer la représentation de personnages d’extraction modeste, souvent vagabonds, gagnant leur vie en accomplissant toute sorte de petits travaux. La diffusion de cette iconographie passe par la gravure. On les retrouve ainsi représentés dans la célèbre série des Cris de Paris gravés par le comte de Caylus d’après les dessins d’Edme Bouchardon, dont la commande date de 1737.

La passion des peintres pour ces sujets " savoyards " a parcouru tout le siècle ; la représentation réaliste et sociale, pittoresque, étant perçue comme une antithèse des scènes galantes et mythologies gracieuses. Citons les tableaux d'Antoine Watteau en 1716 (Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage), Jacques Dumont le Romain en 1737 (Moscou, musée Pouchkine), Marie-Anne Loir vers 1740-1750 (Riom, musée Mandet)², Noël Hallé en 1756 (vente Paris, Artcurial, 9 juin 2021, n° 185), Nicolas-Bernard Lépicié en 1774 (vente Paris, Me Rheims, 1er avril 1963) ou encore Jean-Honoré Fragonard vers 1780 (plusieurs versions3).

Ces tableaux reflètent une réalité visible puisque de nombreuses véritables savoyardes dont les caractéristiques vestimentaires étaient un fichu blanc bien serré sur la tête, dit " en marmotte ", accompagné d'un petit mouchoir noué sous le menton, d’un corset coloré à manches longues et d’une jupe de couleur brune, sont venues chercher du travail à Paris.

Outre notre tableau, Jean-Baptiste Marie Pierre réalise une autre œuvre sur le thème des savoyards comme en atteste le catalogue de la vente de Charles-Antoine Jombert dont le lot 33 est ainsi décrit : « Un Savoyard ; il est assis & est accompagné d’une Savoyarde qui a les deux mains sur ses épaules : tableau peint sur toile par J. B. M. Pierre » (15 avril 1776 et les jours suivants). Le catalogue raisonné de Jean-Baptiste Marie Pierre rédigé par Nicolas Lesur et Olivier Aaron signale également un tableau exposé au Salon de 1746 (n° 46) un « portrait de mad*** en marmotte », à savoir un portrait travesti pour lequel le peintre s’attire les foudres de La Font de Saint-Yenne qui juge le sujet avilissant. N’en déplaise à La Font de Saint-Yenne, notre tableau dut connaître un certain succès puisqu’il est repris par le graveur Nicolas de Larmessin qui en présente le résultat au Salon de 1746 et 1747.

En réalité, si notre peinture représente une paysanne accompagnée de ses enfants, elle constitue également une sorte de portrait allégorique à connotation vertueuse, une Charité romaine à la mode du XVIIIe siècle, à l’image de la France du Siècle des Lumières, dont l’agriculture florissante favorise une importante poussée démographique. Jean-Baptiste Marie Pierre nous décrit ici cette jeune Savoyarde entourée de ses enfants, féconde, figure souriante de simplicité d'une maternité vertueuse parce que modeste et humble et dont la pauvreté - incarnée, depuis Jean-Jacques Rousseau, par une paysannerie idéalisée - a justement su préserver la pureté des mœurs tenus éloignés de la corruption citadine du luxe et de la richesse. Le peintre propose donc ici un portrait allégorique de l'épouse et de la mère. Il nous offre une allégorie des vertus maternelles, un 'exemplum virtutis' paysan et intime.

 

 

1. Rappelons que le duché de Savoie, qui géographiquement ne recoupait pas l'actuel département, avait alors sa capitale à Turin, dans le Piémont et n'a été rattaché à la France qu'en 1860.

2. Guillaume Faroult, " La Veilleuse par Marie-Anne Loir au musée de Riom : fortune d'une iconographie savoyarde, entre peinture et littérature au XVIIIe siècle ", in 'B.S.H.A.F.', Paris, 2003 - 2004, p. 241-256.

3. Cambridge, Harvard University Art Museum, Fogg Art Museum, Moscou, musée Pouchkine, Portland, Portland Art Museum, dessin à Vienne, Graphische Sammlung Albertina.

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