Collection Jean-Victor-Eugène Herbécourt (1871-1934) et son épouse Magdeleine, née Walter (1875-1967) ;

Vente anonyme ; Saint-Brieuc, Armor Enchères, 24 novembre 2019, n° 166 ;

Galerie Talabardon et Gautier, Paris ;

Acquis auprès de cette dernière par l'actuel propriétaire ;

Collection particulière, Paris

en rapport :

Xavier Chardeau, Josette Galiègue, Emmanuelle Héran, Marie-Madeleine Massé, Hélène Sirven, L’Idéal Art nouveau : une collection majeure du musée départemental de l’Oise, cat. exp., Evian, Palais Lumière, 2013, p. 48 à 60

Ce grand dessin d’une rare délicatesse se rattache au cycle décoratif qu’Henri Martin a conçu entre 1909 et 1911 pour la salle à manger du docteur d’Herbécourt, son ami et médecin, dans l’appartement que celui-ci occupait au 93 avenue de Wagram à Paris. Réalisé par l’artiste en étroite collaboration avec Henri Bellery-Desfontaines, cet important décor a été reconstitué en 1981 au musée départemental de l’Oise, à Beauvais, où il se trouve toujours actuellement (fig. 1). Plus précisément, notre étude prépare la jeune fille du groupe des fiancés (fig. 2), un couple de deux jeunes gens dont la présence blanche et lumineuse avait pour objectif essentiel d’introduire la douceur, la pureté des sentiments ainsi qu’une certaine harmonie intérieure au sein des vastes paysages des compositions murales parcourant la pièce.

Dès les premiers essais graphiques de notre feuille, Henri Martin parvient à fixer la présence calme et recueillie de son modèle. Debout, vue de profil, la jeune fille se détache dans la simplicité lumineuse du papier. L’artiste esquisse ses contours avec une sanguine brûlée d’une grande souplesse, tandis que la pierre noire resserre les lignes maîtresses du geste. Le bras tendu en avant, avec sa main ouverte comme pour effectuer une offrande ou une invitation, crée le point d’équilibre de la pose. L’autre main, ramenée contre la poitrine, confère à l’ensemble une tonalité plus intimiste, et semble traduire le frémissement discret d’une émotion intérieure. La robe, dont les plis longs et souples sont rendus par de légères hachures, enveloppe la figure d’une verticalité fluide. Le visage, légèrement incliné, porte le calme silencieux des personnages féminins chers à Henri Martin : une gravité douce, presque spirituelle, qui annonce déjà la poésie contenue du décor réalisé pour son commanditaire. 

L’œuvre gagne encore en présence grâce à son cadre d’origine imaginé par Henri Bellery-Desfontaines. Le bois fruitier sculpté, animé de discrètes incrustations géométriques, offre une alliance parfaite entre sobriété architectonique et raffinement ornemental. L’ensemble forme un objet d’art complet, où la pureté graphique du dessin répond à la sensibilité décorative du cadre. Ainsi cette étude apparaît non seulement comme un jalon du processus créatif d’Henri Martin, mais aussi comme un témoignage privilégié de sa collaboration avec l’un de ses proches. Elle révèle, à travers l’attitude simple et recueillie de la jeune fille, toute la douceur symboliste et la finesse psychologique qui marquèrent ses grands décors parisiens.

Fig. 1 : Henri Bellery-Desfontaines et Henri Martin, Salle à manger du Docteur d’Herbécourt, 1909-1911, reconstituée en 1981 au musée départemental de l’Oise, à Beauvais (inv. 78.24.1).

Fig. 2 : Henri Martin, Salle à manger du Docteur d’Herbécourt, détail des fiancés, 1909-1911, huile sur toile marouflée.

Nous remercions Madame Marie-Anne Destrebecq-Martin de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de ce dessin. Un certificat de sa main pourra être remis à l'acquéreur.