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1930 Bugatti Type 51 Grand Prix Usine
Estimation :
1 700 000 € - 2 300 000 €

Description complète

Titre de circulation britannique Dédouanée dans l’Union Européenne
Châssis n° 51154 Moteur n° 17

- Voiture d'usine, historique connu et suivi depuis l'origine

- Ayant appartenu au Prince Bertil de Suède et à Ralph Lauren

- Évolution technique expliquée par l'histoire de la voiture

- Excellent état, éligible partout

 

Les Bugatti Grand Prix ont souvent un passé mouvementé. Si bien que se trouver en face d'une voiture d'usine est rarissime. Son histoire même est connue et permet de comprendre toutes ses évolutions techniques. C'est le cas de la Type 51 que nous proposons ici, née voiture d'usine avec ensuite une existence entre des mains privées dont certaines prestigieuses ou célèbres, comme le Prince Bertil de Suède, ou le grand couturier et collectionneur Ralph Lauren.

 

Cette voiture est née Type 35. En effet, les sept dernières Type 35B sont assemblées à l’usine au début de 1930. Parmi elles, deux deviendront les Type 51 à moteurs 17 et 18. Une note indique : «Targa comp 27.2.1930, moteur N°205, pistons 28 1⁄2 mm, Plaque 8 mm, vilebrequin N°211 transformé en type 51 N°17 le 7 juillet 1931. » Il s’agit de la future Bugatti 51154, celle qui est proposée ici.

La Type 35B à moteur 207 verra celui-ci transformé le même jour en moteur Type 51 N°18 et deviendra la voiture 51151. Ces deux voitures, 51151 et 51154, nées en juillet 1931 en version 2 300 cm3 seront, après leur carrière "usine", livrées toutes deux en 1934 en version 1 500 cm3 à des clients particuliers.

Il est possible que la Type 35B à moteur 205, future 51154, ait reçu en 1930 l’identité 4961 et qu'elle ait été l’une des quatre Type 35B d'usine à la Targa Florio, en mai de cette année-là, mais rien n’est venu confirmer cette hypothèse.

 

Lorsque les Type 51 à moteurs 17 et 18 sont prêtes en juillet 1931, il est trop tard pour les aligner au Grand Prix de Spa, mais nous pensons que notre voiture moteur 17 est celle de Williams au Grand Prix du Nürburgring, le 19 juillet 1931. Les détails de carrosserie, tels que le capot de Type 35 dont l'orifice de clapet de décharge en position haute est obstrué, ou l’ouverture dans le tablier pour une roue de secours coté conducteur, sont similaires à ceux observés sur 51154 lors de sa livraison au client en 1934.

Nous pensons que, à cette époque, la voiture est le plus souvent utilisée comme mulet d’entraînement. Ainsi, Louis Chiron participe aux essais du Grand Prix de la Marne le 3 juillet 1932, au volant d’une Type 51 équipée d'un bouchon de radiateur et de deux bouchons de réservoir de Type 35, vissés, détails retrouvés sur 51154 lorsque celle-ci est aux mains de Robert Benoist en essai à Montlhéry en mars 1934, avant son retour à la compétition six ans plus tard.

 

Les notes de réparations des moteurs de Type 51 indiquent, aux dates des 9 et 19 août 1932 : «Révision du moteur N°17.

Le cylindre était cassé à l

a partie arrière, renforcé le cylindre par une plaque de 2 mm. Monté des pistons de 35mm. Remonté comme série »... « Transformé le pont AR N°17 et le CV N°22 en pont et CV de série».

La voiture à moteur N°17 est assemblée avec le pont arrière N°17 et le carter de boîte de vitesse N°22. En 1933, il existe peu de notes concernant cette voiture, qui ne semble pas participer à des épreuves officielles. De janvier à avril 1933: «

Monté un couple 11x55 dans le pont, revu la commande de compteur qui perdai

t de l’huile, démonté

le 11 février le compresseur spécial de la voiture 17 et remonté sur le moteur 26

Ceci semble indiquer que notre voiture utilisait à ce moment-là un compresseur spécial ; l’hypothèse d’une voiture d’essai se confirme.

Les dernières notes d’usine concernant cette voiture datent de début février 1934 : «

Révisé le pont 17, changé les arbres de roues, les moyeux et la boîte de diff.

Monté pignon avec roul

ements Timk

en 15x54. Moteur 17 : Monté des pistons 35mm. Cale sous-cylindre 6+3 mm. tubulure adm et compresseur 52 diam. Pièces neuves : AC-Cylindre-Carter distribution. AC avec multiplicateur».

 

Type 51 à châssis 51114, moteur17


Transformée en version 1 500 cm3

, la voiture est vendue le 13 juillet 1934 à Claude Bossu, de Roubaix, pour la somme de 86 400 francs et, le 19 juillet, il l'immatricule 8143 MB 9. La carte grise porte la mention « Type 51 14CV » ce qui correspond bien à la cylindrée de 1500 cm3.

Claude Bossu est le premier et dernier pilote à utiliser la voiture à moteur N°17 en configuration 1500 cm3

. Il a déjà une petite expérience des Bugatti car il a participé au Grand Prix de Chimay en mai 1934 au volant d’une Type 37, terminant troisième de sa catégorie. Dans un courrier du 28 juillet 1934 adressé au concessionnaire de Niort, il confie vouloir vendre sa Bugatti 37 car il a fait l’acquisition d’une 1500 huit-cylindres double arbre, plus rapide. Originaire d’une famille d’industriels, Claude Bossu court sous le pseudonyme Barowski, afin de ne pas mêler la famille à ses coupables et peu sérieuses activités de pilote du dimanche...

 

Palmarès de Barowski


Nous avons eu la chance de rencontrer Claude Bossu, alias Barowski, et il nous a commenté son palmarès avec cette Bugatti Type 51, n° 51154 :

- Mont Ventoux, septembre 1934: vainqueur en catégorie 1500.

- Montlhéry,octobre 1934, course du KM: deuxième en 1500.

- Grand Prix des Frontières, Chimay, 9 juin 1935: cinquième à la moyenne de 112,577km/h.

- Eymoutiers, 11 août 1935: vainqueur en 1500. Ce jour-là, il se souvient avoir tenu tête à la rapide Anna Itier, à bord d'une Bugatti 51A.

- Lectoure, 1er septembre 1935: meilleur temps de la journée, record battu à 92,044 km/h de moyenne.

- Montlhéry, 3 mai 1936, Km départ arrêté: deuxième derrière Chaudé sur la 51 ex-Gaupillat.

- Coupe des Indépendants :deuxième des 1500 derrière la 51A de Villeneuve.

- Grand Prix des Frontières, Chimay, 31 mai 1936


. Peu après le départ, un duel se précise entre Barowski et Hertzenberger, sur MG : «J’essayais depuis un certain temps de le doubler, mais il n’

y mettait pas beaucoup de bonne volonté.




» Barowski est aveuglé par les jets de boue projetés par les roues avant de la MG. «

Le récit du Grand Prix de 1936 se confond ensuite avec celui de mon vol plané dans une pâture en contrebas. Vu le mauvais temps, elle était complètement détrempée, donc pas de spectateurs, et cela a amorti ma chute. L’organisation des courses était assez folklorique : à cette époque, je travaillais chez mes parents toute la semaine, j’arrivais à Chimay le samedi et repartais le lundi matin très tôt, pour être au travail à huit heures. Ca ne rigolait pas !»


Évolution


Après cette course qui aurait pu être tragique, Claude Bossu décide de mettre un terme à sa carrière de pilote amateur, comme il le raconte :«Après l’accident,le châssis de la Bugatti était faussé ; le moteur avaitpeu souffert

mais une patte de fixation avait dû être cassée. J’ai alors vendu l’auto à un ami qui possédait un garage à Boulogne-sur-Seine, Jean Delorme, président de l’AGACI. Celui-ci mit mon moteur 1500 cm3 dans son châssis 2300 cm3.» (Châssis 51149).

La voiture est officiellement enregistrée à Paris en août 1937, mais la vente effective date sans doute de l’été 1936. Ces confidences de Claude Bossu obtenues de première main sont capitales pour comprendre la suite de l’histoire de 51154 et expliquer les pièces moteurs ex-51149 qui se trouvent dans la voiture actuelle.

Jean Delorme modifie son châssis 51149 en monoplace avec boîte Cotal et y installe le moteur 51154 en conservant le carter inférieur gravé 51149. Ce moteur seul sera retrouvé à Neuilly dans les années cinquante et, exporté aux USA, il donnera naissance à une nouvelle 51149.

La 51154 a toujours conservé son carter inférieur gravé « 51154/17 ». Seul son haut moteur et son bloc proviennent de 51149 et en font une 2300 cm3 depuis 1936.

Nous avons la preuve que Delorme s’engage dès septembre 1936 à Montlhéry au volant d’une 1500 cm3

et que dès l’automne 1936, il va mettre en vente ses deux Type 51. La première annonce est publiée dans la revue de l’AGACI en octobre, puis en novembre et décembre 1936."

Vends Course 1.500cmc, 2 arb. cames,8 cyl, compres. avec plateau remorque, 2 roues, 30.000ff."


Et

« Course 2.600 cmc, 2 arb. cames, 8 cyl, compres. montage spécial, formule A.C.F, permet utilisation en 2 carburateurs, équipement sport compl, peinture neuve, plateau remorque surb. 2 roues, le tout : 35 000 ff. Jean Delorme »

Nous pensons qu’à ce moment-là, la voiture repeinte, en 2600 cm3 et équipement sport est 51154/moteur 51149.

 

Sans doute en décembre 1936 ou au début de 1937, la voiture est achetée à Paris par le prince Bertil, troisième fils du roi Gustav VI de Suède, alors qu’il a moins de 25 ans. C'est sans doute sa première vraie voiture de course et, plus tard, il possèdera des Ferrari. Des photos du prince à coté de sa voiture en version sport ont été prises avenue Foch, à Paris et le cliché, capot ouvert, montre deux renflements de part et d’autre du compresseur, qui semblent faits pour abriter un compresseur de taille inhabituelle, ce qui rappelle l’annonce « Compresseur montage spécial formule A.C.F.»

Nous retrouverons ce capot modifié sur la photo de la période Parkinson aux USA.

 

En 1937, la voiture est vendue à Jack Lemon-Burton, qui va ensuite rapidement trouver un client pour sa 51154 en version 2300 cm3. Au plus tard début 1938, la voiture est indiquée dans ses registres de vente sous la mention : “Bugatti Double Cam 2.3. 51154. £ 180. D.B. Parkinson. £ 135 plus £ 45 duty including delivery to Los Angeles”.

Américain original, passionné de voitures de course, Donald Parkinson achète la voiture au téléphone, sans l’avoir vue, et la faire expédier aux USA. Elle est toujours équipée des ailes sport posées par Delorme à l’origine sur 51149.

Un an plus tard, autour de 1939, la voiture est achetée par George D. Parrish, frère de l’auteur Anne Parrish et qui, atteint d'une maladie incurable, se donne la mort le 6 août 1941. Ses voitures sont alors sûrement vendues à Tommy Lee, collectionneur excentrique et richissime, qui a pris la succession de son père à la tête de la concession Cadillac pour la Côte Ouest des USA et qui possède avant 1940 une écurie de voitures exceptionnelles, dont plusieurs Talbot T 150 SS, Alfa Romeo 2300, Delage GP de 1927...

En 1941, il engage notamment la Bugatti à la course de « Muroc Dry Lake ». Et en 1946 il la cède à W. Hudson Mills qui la décrit ainsi dans la revue

Bugantics de 1951 :

 

«En 1946, j’ai eu la chance d’acquérir une Type 51 Grand Prix de 2300 cm3. Elle fut d’abord la propriété du prince Berti

l puis vint à Indianapolis et sur la Côte Ouest où elle fut utilisée sans retenue pour des essais en course sur le lac Muroc Dry et à Pikes Peak. Dans cette dernière épreuve, il m’a été rapporté qu’elle fit sensation avec une performance à plus de 225 km/h, utilisant un rapport de pont de 13x54. Lorsque je l’ai achetée, elle était en très mauvais état, ayant été abîmée par un mécanicien mal inspiré, et la boîte n’avait pas résisté aux traitements infligés».

 

Hudson Mills se lance dans une remise en état et obtient des pignons de boîte provenant du stock de l’agent de New York, alors qu'un bloc et un jeu de pistons complet sont fournis par l’usine Bugatti. Un nouveau tableau de bord est fabriqué, toutes les pièces fixées au châssis sont polies ou chromées. La voiture sera terminée au printemps 1951.

Mills est un des premiers membres actifs de la section du New Jersey du Sports Car Club of America (SCCA). Dans le Bugatti Book de 1954, il est répertorié comme propriétaire de la voiture à son adresse du 90, Washington Street, East Orange, NJ. Il est encore le propriétaire supposé dans le

Bugatti Register and Data Book de HG Conway, en 1962.

 

La voiture semble vendue à Bob Fergus vers 1965-1966. Celui-ci est un des plus importants agents Volkswagen américains. Dès 1951 il fréquente les réunions du SCCA et, en 1952, il court sur sa première Bugatti, une Type 35B, puis une Jaguar type C l’année suivante. En 1955, il acquiert auprès d’un autre collectionneur de l’Ohio, Woody Garber, le cabriolet 57SC Gangloff (châssis 57563). Quelques années plus tard, la Type 51 la rejoint et Bob Fergus conserve les deux voitures pendant près de 20 ans, jusqu'en janvier 1986 où Ralph Lauren le persuade de les lui vendre. Elles partent alors en Grande-Bretagne, pour être restaurées dans l’atelier de Crosthwaite & Gardiner. La remise en état de la Type 51 durera exactement quatre ans, de mars 1989 à mars 1993.

 

Inspection de la Bugatti 51154



Nous avons pu inspecter brièvement une première fois 51154 dans cet atelier, vers 1990. Le cadre de châssis portait gravé le numéro 482, qui correspond à un cadre de Type 35 compresseur de fin 1927. Ce numéro est confirmé par l’inspection à l’époque des experts anglais. Depuis, le chiffre 4 est devenu 7. La raison est sans doute que ce nombre, trop bas pour être celui d’un cadre de Type 51 de 1934, a dérangé. Cela ne porte pas préjudice à la voiture qui est, nous le savons maintenant, basée sur un cadre ancien de Type 35.

Ce cadre est soit celui d’origine de la Type 35B moteur 205, qui aurait alors été pris dans un stock ancien lors de son montage en 1930, soit celui d’un Type 35 provenant fin 1936 du garage de Jean Delorme dans l’hypothèse où le cadre faussé de 51154 n’aurait pas été réutilisable.

L’analyse récente de la voiture montre que le moteur porte sur sa face antérieure le numéro 27, correspondant au moteur 2300 cm3

de 51149.

Le carter d’entraînement du compresseur est gravé 205, en référence au moteur de Type 35 qui équipait ce châssis à l’origine. Une autre partie du carter d’entraînement ainsi que le compresseur sont gravés 28, car ils proviennent de la voiture 51132 qui était en Californie dans les années 40. Le carter inférieur est bien l'original de 51154 dont il porte le numéro de châssis et le numéro de moteur 17.

La boîte de vitesse est gravée 17, et provient de la voiture 51127, qui appartint à Joel Finn qui fut brièvement copropriétaire de 51154 du temps de Bob Fergus.

Le pont arrière est gravé 17 et « 14-13X54 RT ». Certains chiffres semblent voir été regravés bien qu’anciens. La jambe de force porte le numéro 17.

L’essieu avant n'est pas numéroté mais il est creux et du gros modèle correct pour un Type 51.

La carrosserie est neuve, réalisée en Grande-Bretagne lors de la restauration, mais les armatures du tablier sont originales.

 


Conclusion



La voiture présentée à la vente possède un historique complet depuis sa sortie d’usine et même avant ! L’évolution de ses modifications et pièces de remplacement au cours de sa longue carrière en course est expliquée par son histoire particulière.

Elle a été une Type 51 d'usine pendant trois années complètes avant sa vente au premier client particulier, et a été utilisée par Williams, Chiron et Benoist comme voiture d'essai. Aux mains de son premier propriétaire privé, elle a remporté de belles victoires sur le plan national.

Elle a été entièrement restaurée dans les années 90, est en parfait état de fonctionnement et a été entretenue par un des meilleurs mécaniciens français, Michel Magnin. Paul-Émile B a pris part à de nombreuses courses historiques comme le GP Historique de Monaco à trois reprises, Goodwood, et plusieurs rallyes Bugatti. Essayée en décembre sur le circuit de Montlhéry, nous avons pu constater un fonctionnement optimal et ressenti les mêmes émotions qu’à l’époque. Un rêve transmissible.

 

Pierre-Yves Laugier pour Artcurial

Photos © Kevin Van Campenhout

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