Vacances en Allemagne.
23 juin, à son « cher Papa ». Il évoque d’abord le succès de son frère Xavier à ses examens… « Vous me demandez si j’ai poussé mes promenades jusqu’à l’autre versant de la Forêt Noire : non, pas encore, mais avec votre autorisation, j’irai passer quelques heures à Fribourg que tout le monde dit être une ville remarquable. Le temps, pour le moment, ne s’y prête pas : il s’est complètement gâté cette nuit, ce qui cause aux paysans beaucoup de plaisir, et à moi beaucoup d’ennui ». Il parle d’un commissionnaire qui a participé au siège de Strasbourg et « parle du bombardement de Strasbourg avec un enthousiasme fanatique. Il est vrai que le jour où je lui ai parlé, il avait, je crois, bu un peu trop de schnaps. Il y a dans le village un vieux soldat bavarois, qui a, paraît-il, fait les deux campagnes de 66 et de 70. Mais je n’ai pas encore eu l’occasion de le faire causer. Les Badois ont perdu beaucoup de monde pendant la campagne de France », comme le montrent les plaques commémoratives. Les journaux allemands « sont assez montés contre nous. […] Évidemment, il y a quelque chose de changé en Europe depuis trois ans et, en le constatant, je pense aux malaises qui précèdent les grandes guerres, notamment celle de 70. J’espère toujours que cette fois, les rôles seraient renversés »… Il ajoute : « Au point de vue chrétien, j’entends généralement à sept heures la messe du vicaire. Le Dimanche, grand-messe à 8 heures ½ ; vêpres à 1 h. ½, salut à 8 heures »…
3 juillet, à sa « chère Maman ». Il est revenu de Fribourg, enchanté de son voyage. Avec le vicaire , il a « visité à fond la ville. Nous sommes montés jusqu’au haut du clocher de la cathédrale et, de là , l’on découvre la plaine du Rhin d’abord et les Vosges ensuite, ce qui est magnifique. Une hauteur abrupte nommée le Lillisberg domine Fribourg. Il y avait là autrefois un vieux château féodal que nos canons ont démoli et qu’a remplacé une forteresse construite par Vauban et en grande partie détruite maintenant. De là -haut, on voit la France par la trouée de Belfort, et c’est par là aussi que je vous ai salués de loin ». Le curé veut l’emmener à un pèlerinage en Suisse, « disant que c’est une excursion magnifique, une occasion unique de voir les Alpes suisses » ; il prie sa mère de lui avancer ses étrennes, afin qu’il puisse faire ce voyage…
LNC, I, p. 44 et 46.