Signée ‘Henry de Groux.’ en bas à gauche
The tortured man, oil on canvas, signed, by H. De Groux
36.41 x 29.13 in.
Vente anonyme ; Le Crédit Municipal de Paris, 13 décembre 2019, n° 33 ;
Acquis lors de cette vente par l’actuel propriétaire ;
Collection particulière, Paris
Artiste tumultueux et tourmenté, dont le tempérament de feu n’a eu de cesse de le définir et de le condamner, Henry De Groux est l’un des grands représentants de l’art symboliste en Belgique. Ses compositions picturales, souvent dramatiques et expressives, témoignent d’un goût pour les thèmes héroïques et les visions apocalyptiques, où les émotions intenses dominent. Exposant en 1887 avec le Groupe des XX aux côtés de Fernand Khnopff, Constantin Meunier, James Ensor ou encore Auguste Rodin, il connaît rapidement le succès, mais son caractère colérique et violent l’exclue rapidement de ce groupe d’avant-garde. Installé à Paris en 1891, il y présente son Christ aux outrages l’année suivante et fait sensation. Cet immense et emblématique tableau est exposé grâce à Osbert dans une grange du XVe arrondissement où artistes et gens du monde viennent l’admirer. De Groux l’expose ensuite à plusieurs reprises, au Salon du Champ-de-Mars, chez Le Barc de Boutteville, au Salon de La Plume ainsi qu’à La Libre Esthétique de Bruxelles, avant de susciter une nouvelle fois l’intérêt au Salon d’Automne en 1911.
De par sa thématique, sa composition et la douleur crispée qui en émane, notre Torturé nous rappelle sans mal le fameux Christ aux outrages (fig. 1), dont Henry De Groux a réalisé plusieurs versions. Léon Bloy, ami intime de l’artiste, décrit en ces mots ce dernier : « L’Homme des douleurs est debout sur le mont fameux que la tradition désigne comme le tumulus du premier désobéissant. (...) La rage de cette populace aux poings crispés paraît avoir, selon l’esprit des quatre Évangiles, quelque chose de prophétique et de surhumain. Les petits enfants eux-mêmes - détail panique ! - hurlent à la mort et brandis- sent leurs faibles bras1». Ligoté et ensanglanté, notre personnage principal endosse un rôle très similaire à celui du Christ. Sur son visage, dont l’expression est épouvantée, le sang ruisselle à l’endroit où devrait se trouver la couronne d’épines. Les plaies ouvertes et sanglantes de sa flagellation sont également figurées par le fouet présenté au premier plan, tandis que ses mains ligotées sont lacérées. À l’arrière-plan les similitudes existent également : une croix est brandie au milieu d’un tourbillon de flammes tandis qu’une multitude de visages aux expressions diverses et incompréhensibles se tournent vers le torturé.
Fig. 1 : Henry De Groux, Le Christ aux outrages, 1889, huile sur toile (293 x 353 cm), Avignon, Palais du Roure
1 - Léon Bloy, Le Mendiant ingrat, journal de l’auteur, 1892-1895, Bruxelles, 1898, p. 19.