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1936 Delage D6-70 Spéciale, carrosserie Figoni
Estimation :
1 300 000 € - 1 600 000 €

Description complète

Titre de circulation luxembourgeois
Châssis n° 50688 Moteur n°656

- Historique exceptionnel

- Deux participations aux 24 Heures du Mans en 1937 et 1938

- Victorieuse au Tourist Trophy 1938

- Excellent état, conforme à l'origine, éligible aux plus beaux évènements historiques

 

En 1927, Louis Delâge a atteint son objectif, au-delà de toute espérance : sa Delage 15 S 8, chef-d'œuvre de l'ingénieur Albert Lory avec son moteur 8-cylindres 1500 à compresseur, a dominé la saison de façon magistrale. Entre les mains de Robert Benoist, elle a remporté tous les Grand Prix de la saison, apportant à la marque le titre de Champion du Monde des Constructeurs. Au lendemain de ce succès, Delage se retire de la compétition pour se concentrer sur ses modèles de prestige, mais la 15 S 8 est tellement supérieure à ses concurrentes qu'elle va continuer à courir avec succès jusqu'aux années 50, entre des mains privées !

La gamme des Delage de tourisme profite bien sûr de l'expérience acquise en course et, si les D8 et D6 ne bénéficient pas du double arbre à cames en tête de leur sœur de compétition, elles sont dotées de moteurs à soupapes en tête culbutées, d'une boîte Cotal et présentent une qualité de matériaux et de fabrication supérieure à la moyenne. Les châssis font eux aussi l'objet de tous les soins, avec notamment une suspension avant indépendante. Ces qualités n'empêchent toutefois pas la marque de Courbevoie de connaître des difficultés financières qui déboucheront en 1936 sur un rapprochement avec Delahaye, avec la complicité de l'homme d'affaires Walter Watney, distributeur pour la région parisienne.

 

A l'origine, la présente Delage D6-70 Spéciale (châssis 50688) est destinée à participer aux 24 Heures du Mans 1936 et elle est habillée d'une superbe carrosserie coupé profilé réalisée par Figoni. La course ayant été annulée à cause de l'instabilité sociale d'alors, sa propriétaire Mme Richer-Delavau lui fait faire le tour de plusieurs concours d'élégance avant qu'elle ne revienne dans les magasins d'exposition de Watney. C'est là que la Delage est remarquée par Louis Gérard, comme il le précise dans une interview publiée par Jacques Vassal dans le magazine Auto Passion n°27 de septembre 1989 : "Mon fils, qui était très jeune, avait vu cette Delage dans un magasin et m'a convaincu de l'acheter." Une fois la voiture chez Louis Gérard, son cousin Jacques de Valence lui précise qu'il s'agit d'un modèle initialement destiné à la compétition, avec une culasse spéciale et trois carburateurs, et lui propose de s'engager aux 24 Heures du Mans 1937. Bien que sans expérience de la compétition, Louis Gérard est un automobiliste averti car, représentant de commerce, il parcourt la France à vive allure avec ses voitures de tourisme. Il va se découvrir un excellent coup de volant en course, avec une technique instinctive du dérapage contrôlé.

De Valence prépare la voiture et l'équipage prend le départ : c'est la première apparition d'une Delage aux 24 Heures du Mans depuis 1923 et il est probable qu'elle ait reçu un soutien de Walter Watney. La course se déroule dans des conditions difficiles : un grave accident en début d'épreuve provoque deux décès et une pluie battante vient troubler la hiérarchie. Parmi les Delahaye et Bugatti d'usine (dont le "tank" Type 57 de Wimille qui remporte l'épreuve), et au terme d'une bataille acharnée avec une Aston Martin, la Delage remporte la quatrième place (avec victoire de la catégorie 3 litres). Pour une première course, c'est un résultat inespéré !

Cette réussite encourage Louis Gérard à poursuivre l'expérience et il s'inscrit en août au Paris-Nice, qu'il termine troisième. L'interview d'Auto Passion nous révèle la suite : "Ma voiture était secouée au freinage, je ne pouvais pas freiner comme je voulais. (...) Alors j'ai dit à M. Watney : "Si vous me mettez une carrosserie course, je vous promets la victoire." Parce que ma voiture était la seule à carrosserie fermée. Watney était emballé pour moi, alors il n'a pas hésité : il a consulté le "père" Delage, qui a été d'accord, et il m'a fait changer à ses frais la carrosserie chez Figoni." C'est donc à ce moment-là que cette voiture a reçu, chez son carrossier d'origine, la carrosserie biplace course qui correspond encore à la sienne aujourd'hui. La première carrosserie coupé aurait ensuite équipé une Delahaye 135 utilisée en rallye par Germaine Rouault.

 

Avec cette voiture recarrossée et plus légère, Louis Gérard prend le départ en 1938 des 24 Heures du Mans, à nouveau avec Jacques de Valence mais le moteur, refait et apparemment mal rodé, leur donne du souci et un joint de culasse claqué provoque leur abandon. Une fois le mal réparé, Louis Gérard se rattrape et décroche avec Georges Monneret (champion motocycliste) une brillante deuxième place aux 24 Heures de Spa-Francorchamps, derrière une Alfa Romeo 8C-2900, avant de remporter en septembre, devant une Aston et trois Talbot, le Tourist Trophy à Donington, malgré la pluie et un tête-à-queue rattrapé de façon spectaculaire.

 

A la fin de la saison 1938, en échange d'une Maserati 6CL, il cède la Delage au pilote anglais Peter Aitken, fils de Max Aitken, magnat de la presse anglaise. Aitken court en 1939 à Brooklands et Crystal Palace où il remporte une victoire de catégorie, avant que le conflit mondial ne mette un coup d'arrêt au sport automobile.

Au lendemain de la guerre, la Delage est proposée à la vente par High Speed Motors, établissement londonien géré par Giulio Ramponi et Robert Arbuthnot, où elle attire l'œil de Pat Garland, pilote moto qui vient d'hériter d'une somme lui permettant d'acheter la voiture. Il la remet en état mécanique, la fait courir en mai 1946 à Prescott et Shelsley Walsh avant de s'engager au Grand Prix de Belgique. Il termine sixième mais sort de route au Grand Prix de Nantes et, la Talbot T26 C qu'il a commandée tardant à arriver, il poursuit sur sa lancée à Chimay et à Lille. En 1948, il dispute à Montlhéry les 12 Heures de Paris où il arrive sixième avec la Delage alors que la victoire est remportée par Luigi Chinetti, au volant d'une Ferrari Spider Corsa : pour le constructeur italien, le début d'une ascension fulgurante...

Mais pour la Delage, les ennuis de santé de Pat Garland sonnent la fin de sa carrière en course. Mise à l'abri, elle réapparaît au début des années 80, dépourvue de culasse, découverte par Antony Blight. Celui-ci ne la garde pas et le grand découvreur de voitures, Colin Crabbe, la fait alors restaurer pour un de ses clients, en réutilisant une grande partie de la carrosserie d'origine.

En 1995, cette voiture rejoint la collection d'Abraham Kogan qui fait reconstruire le moteur en 2004. A cette époque, un article de Richard Heseltine, dans le magazine Motor Sport, précise : "Cette voiture présente un raffinement dont sont dépourvues de nombreuses voitures de compétition de son époque. La direction est, de même, directe et précise..."

 

En 2008, cette Delage historique est achetée par Paul-Émile B qui l'immatricule en Angleterre, puis au Luxembourg. En 2012 et 2014, elle est révisée chez Sean Danaher Restoration Ltd, en Angleterre et, en 2023, par Blakeney Motorsport pour un montant de plus de 30 000 £. En janvier 2024, Michel Magnin, qui en assure l'entretien depuis qu'elle a rejoint la collection (et qui a refait les ailes profilées si particulières, disparues après une sortie de route de Garland à Shelsley Walsh), restaure le moteur avec surfaçage du bloc et de la culasse chez Tous les Moteurs, et remplacement des chemises. A cette occasion, les mesures d'alésage et de course montrent qu'elles sont conformes à l'origine et donc à la cylindrée permettant à la voiture d'être éligible en catégorie 3 litres.

Entretemps, cette Delage a pris 5 fois part au Mans Classic et, aux Mille Miglia à 4 reprises, dont la dernière en 2024 qu'elle a disputées sans encombre (elle est d’ailleurs inscrite au registre d’éligibilité des Mille Miglia, qui lui permet de participer automatiquement). Elle a également couru 3 fois à Goodwood où elle est régulièrement invitée au Members’ Meeting.

 

Cette Delage D6-70 Spéciale est aujourd'hui dans un très bel état, conforme à son allure d'origine (elle courait à l'époque avec une calandre chromée) avec son 6-cylindres 3 litres de près de 140 ch relié à une boîte Cotal électromécanique. Elle est accompagnée d'un important dossier historique comportant des articles, des photos d'époque et des copies de factures récentes. Elle présente un historique exceptionnel, très suivi de l'origine à aujourd'hui, avec un très beau palmarès, et elle est éligible aux plus belles épreuves historiques aussi bien sur route que sur circuit, sans parler des concours d'élégance où son passé et son allure racée lui ouvriront les portes les plus prestigieuses. Il est rare de rencontrer un tel ensemble de qualités sur une voiture de cette époque, ce qui ne devrait pas échapper aux passionnés de sport automobile.




Luxembourg title

Chassis no. 50688

Engine no.656

 

- Exceptional history

- Entered twice in the 24 Hours of Le Mans

- Winner of the 1938 Tourist Trophy

- Excellent condition, to original specification, eligible for the top historic events

 

In 1927, Louis Delâge achieved his goal, going beyond his wildest dreams: his Delage 15 S 8, the engineer Albert Lory’s masterpiece, with its 8-cylinder 1500cc supercharged engine, utterly dominated the season. In the hands of Robert Benoist, it won every Grand Prix, earning the manufacturer the World Constructors’ Championship. Immediately after this triumph, Delage withdrew from competition to concentrate on its prestige models, but the 15 S 8 was so far ahead of its rivals that it continued to race successfully in private hands until the 1950s!

Delage’s range of touring cars naturally benefitted from the experience it had gained in racing, and although the D6 and D8 did not enjoy the dual overhead cam engine of the competition model, they had pushrod engines with overhead valves and a Cotal gearbox and featured above-average materials and build quality. Great care was taken over the chassis too, with independent front suspension of particular note. These qualities did not, however, prevent the company from running into financial difficulties, which resulted in 1936 in Delage joining forces with Delahaye, with the help of the businessman Walter Watney, Delage’s distributor for the Paris area.

 

This Delage D6-70 Special (chassis no. 50688) was originally intended to take part in the 24 Hours of Le Mans in 1936 and was fitted with a magnificent streamlined coupé body by Figoni. As the race was cancelled due to the social unrest that year, its owner, Mme Richer-Delavau, entered it in a succession of concours d’élégance before it returned to Watney’s showroom. It was there that the Delage was spotted by Louis Gérard, as he explained in an interview published by Jacques Vassal in issue 27 of the magazine Auto Passion in September 1989: “My son, who was very young, saw the Delage in a showroom and persuaded me to buy it.” Once Gérard had brought the car home, his cousin Jacques de Valence told him that it was a model originally built for competition, with a special cylinder head and triple carburettors, and suggested he enter it in the 24 Hours of Le Mans in 1937. Although he had no experience of motorsport, Gérard was a seasoned driver: as a sales representative, he was used to driving quickly across France in his road cars. He discovered he was also a gifted racing driver, with an instinctive ability to control power slides.

De Valence prepared the car and the team took its place at the start: it was the first time a Delage had appeared at Le Mans since 1923 and it is likely that the entry was supported by Watney. The race took place in difficult conditions: a serious accident at the start resulted in two deaths and pouring rain upset the order on the leaderboard. Running among the works Delahayes and Bugattis (including Wimille’s Type 57 ‘Tank’, which won the race) and at the end of a hard-fought battle with an Aston Martin, the Delage took fourth place overall and won the 3-litre class. For Gérard ’s first race, it was a fantastic result!

This success encouraged Gérard to keep going, and in August he entered the Paris-Nice, finishing third. The interview in Auto Passion described what happened next: “My car was unsettled when braking, I couldn’t brake as I wanted to. (...) So I said to Mr Watney: ‘If you fit a racing body for me, I promise you I’ll win.’ Because my car was the only one with closed bodywork. Watney was excited for me and didn’t hesitate: he consulted the ‘old man’ Delâge, who agreed, and he had the body replaced at his expense by Figoni.” It was thus at this point that the car was fitted – by its original coachbuilder – with the two-seat racing body it still has today. It is believed that the original coupé body was then fitted to a Delahaye 135 used for rallies by Germaine Rouault.

 

With the car now rebodied and lighter, Gérard took part in the 24 Hours of Le Mans in 1938, again with Jacques de Valence, but the rebuilt engine, which had apparently not been properly run in, gave them cause for concern and a blown head gasket forced them to retire. Once the damage had been repaired, Gérard made up for it and scored a brilliant second place with Georges Monneret (the motorcycle champion) at the 24 Hours of Spa, behind an Alfa Romeo 8C-2900, before winning the Tourist Trophy at Donington in September, ahead of an Aston and three Talbots, despite the rain and a spin which he caught in spectacular style.

 

At the end of the 1938 season, he sold the Delage, in exchange for a Maserati 6CL, to the English racing driver Peter Aitken, the son of Max Aitken, the British press baron. Aitken raced in 1939 at Brooklands and Crystal Palace, where he took a class win, before the Second World War brought motorsport to an end.

Immediately after the war, the Delage was offered for sale by High Speed Motors, a business in London run by Giulio Ramponi and Robert Arbuthnot: there it caught the eye of Pat Garland, a motorcycle racer who had just come into an inheritance which enabled him to buy the car. He restored the car mechanically and competed with it in May 1946 at Prescott and Shelsley Walsh before entering the Belgian Grand Prix. He finished sixth, but at the Nantes Grand Prix he ran off the track. As the Talbot T26C he had ordered was delayed, he kept going with the Delage at Chimay and Lille. In 1948, he competed at Montlhéry in the 12 Heures de Paris: he finished sixth with the Delage, but the race was won by Luigi Chinetti, driving a Ferrari Spider Corsa, marking the start of a meteoric rise for the Italian manufacturer ...

For the Delage, however, Garland’s health problems signalled the end of its racing career. Put into storage, it reappeared at the start of the 1980s, missing its cylinder head, when it was discovered by Anthony Blight. Blight did not keep the car, and it was Colin Crabbe, that great discoverer of cars, who had it restored for one of his customers, keeping much of the original bodywork.

In 1995, the car became part of Abraham Kogan’s collection and he had the engine rebuilt in 2004. Writing at the time in the magazine Motor Sport, Richard Heseltine noted: “There is a sense of refinement alien to many competition cars from the period. The steering too is responsive, without the expected kickback.”

 

In 2008, this historic Delage was bought by Paul-Émile B, who registered it in England and then in Luxembourg. In 2012 and 2014, it was serviced by Sean Danaher Restoration Ltd in England and, in 2023, by Blakeney Motorsport, at a cost of more than £30,000. In January 2024, Michel Magnin, who had maintained the car since it joined the collection (and who remade the very distinctive swept-back wings, which had been lost after Garland came off the track at Shelsley Walsh), restored the engine: the block and cylinder head were skimmed at Tous les Moteurs and the liners were replaced. Measurements of the bore and stroke showed that they were correct for the original specification and therefore the engine capacity, ensuring that the car was eligible to race in the 3-litre class.

In the meantime, the Delage took part in five editions of Le Mans Classic and on four occasions in the Mille Miglia, the last of them in 2024, competing without any problems. It is, moreover, listed as eligible for the Mille Miglia, giving it the automatic right to take part. It also raced three times at Goodwood, where it has been regularly invited to the Members’ Meeting.

 

This Delage D6-70 Special is today in very good condition, looking just as it did originally (it raced in period with a chrome radiator grille), with its 3-litre 6-cylinder engine producing nearly 140bhp mated to a Cotal electromagnetic gearbox. It comes with a substantial history file including articles, period photographs and copies of recent bills. Boasting an exceptional history from new right up to the present day, with an impressive record in competition, it is eligible for the top historic events on road and on track, not to mention the most prestigious concours d’élégance, where its history and stylish appearance will guarantee it a place. It is rare to find such a combination of qualities in a car from this era, a fact which will not be lost on motorsport enthusiasts.


Photos © Kevin Van Campenhout

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