Collection Timmermans, Liège ;

Aldebaran Fine Arts, Paris ;

Acquis auprès de cette dernière par l'actuel propriétaire ;

Collection particulière, Paris

Réalisée pour l’un de ses grands projets décoratifs patriotiques, cette feuille magistrale de Xavier Mellery illustre toute la profondeur poétique et morale de son œuvre tardive. Conçue comme une étude préparatoire à un décor monumental, elle articule déjà, avec une densité remarquable, les thèmes chers à l’artiste : la dignité humaine, l’effort collectif, le rôle sacré de la mémoire et la transfiguration symboliste de l’histoire nationale. La composition s’organise en deux registres superposés, évoquant la structure d’un retable moderne. Dans la bande supérieure, Mellery représente un cortège de figures drapées, avançant d’un pas solennel : hommes, femmes et jeunes gens incarnent le peuple belge dans sa diversité, comme uni dans une marche vers la lumière. Le traitement des corps, volontairement allongé et presque sculptural, rappelle l’art des bas-reliefs antiques, auquel Mellery emprunte la gravité et l’élan rythmique. Les rehauts d’or, dispersés avec parcimonie dans les drapés et les carnations, confèrent à la scène une dimension sacrée : c’est la Patrie elle-même qui se révèle dans cette procession, transfigurée par l’idéal civique. Le registre inférieur déploie une scène plus dramatique : figures luttant, tombant, se relevant, symbolisant les épreuves historiques et les combats fondateurs de l’identité belge. Mellery excelle ici dans la traduction des émotions humaines – résignation, combat, compassion – qu’il exprime par des gestes sobres, serrés, et par un lavis dont l’ombre mouvante semble encore frémir. Les silhouettes se détachent dans une lumière ocre qui évoque la mémoire, le passage du temps, mais aussi la pérennité des sacrifices consentis. L’encadrement pictural, rigoureusement géométrique, resserre l’ensemble en une sorte d’architecture morale. Le titre, inscrit à la manière d’une devise civique, complète cette lecture : l’œuvre est un hommage à une nation, non par l’exaltation belliqueuse, mais par la mise en valeur de ses vertus humaines : solidarité, courage et constance. Cette étude, d’une grande densité plastique et spirituelle, témoigne du statut singulier de Mellery au sein de l’art belge : un peintre-poète, pour qui l’allégorie est moins un artifice qu’un langage nécessaire pour élever le réel vers une vision intérieure. Elle annonce, avec une force exceptionnelle, l’ampleur du décor final conservé au musée d’Ixelles, tout en constituant une œuvre indépendante, où se mêlent l’élan historique et la méditation profonde que l’artiste cultivait dans toutes ses créations.